Principes d'ingénierie logicielle pour une bonne santé mentale

2020-01-26 par Badre BSAILA

La vie est très challengeuse, demandeuse en temps, patience et efforts et très improbable. Notre bien-être se trouvent par moments dégradé et nous ne pouvons plus supporter son poids. Si vous êtes timides et très sensitives, ou/et vous souffrez déjà des symptômes de dépression, anxiété, phobie sociale, trouble bipolaire…etc les choses peuvent vite se compliquer pour vous. Durant ce billet, je vais essayer de résumer mon retour d’expérience de 8 années consécutives de trouble bipolaire et comment ma carrière d’ingénierie logicielle m’a aidé à accepter ma situation et m’a appris à mieux vivre mon quotidien.

Apprendre à être confortable lors des situations inconfortables

C’est l’une des choses qui me rebutait le plus quand j’ai commencé ma carrière. Je ne sais d’où je me suis cultivé cette mauvaise idée mais je croyais que les choses devaient se passer linéairement dans la réalisation de mes tâches de développeur. Or il n’en ai rien, des fois vous pouvez juste en modifiant une configuration toute bête (une ligne de code) causer des régressions de dingue. Ceci souvent me stressait et me mettait hors de moi… Jusqu’au jour où j’ai vu cette vidéo de Burke Holland et Aimee Knight où ils discutent de ce que doivent savoir les développeurs juniors, et c’était le point le 1er et le plus important de la discussion avant même de parler des compétences techniques, apprentissage et formation…etc. Nous devons apprendre à embrasser les circonstances qui changent trop vite, les aléas qui sortent de n’importe où, et les défaillances qui nous touchent aux plus mauvais moments. Nous devons aussi apprendre à embrasser les peurs qui en résultent, accepter qu’ils siègent sur nos épaules et continuer à avancer pas à pas jusqu’à la réalisation de nos chefs d’oeuvre.

Checkez aussi cette conférence de Aimee Knight sur le même sujet et suivez là sur Twitter.

Agilité

C’est l’un des principes de la gestion de projets informatiques qui s’applique parfaitement à notre vécu: A la fin des années 90, début 2000 les projets informatiques échouaient souvent et avec un rythme inquiétant, au vu de la rigidité avec laquelle sont planifiés le budget, le temps, l’infrastructure, les ressources humaines,…etc (ces plannings n’étant presque jamais respectés) et la rigidité des contrats de prestation informatique entre client et ESN. La solution pour sortir de ces problèmes était le manifeste agile qui fixe des principes à suivre et plusieurs frameworks agiles qui les implémentent chacun avec ses propres pratiques: Scrum, Kanban,… Sans entrer dans leurs détails techniques voilà ce qui en découlent :

  • Visez à produire plus de valeur ajoutée pour vous (bien-être, bonne humeur, paix intérieur, satisfaction, joie, confiance, bonne condition physique) durant le process de vos projets plus que les faire aboutir dans la limite de temps + effort imaginaire que vous vous fixez dans la tête. Et n’oubliez pas qu’un projet achevé ne vous réjouira au max que quelques jours.

alt Bonheur plutôt que réalisations

  • Planifier est toujours bien, pourvoir s’adapter aux imprévus et nouvelles données et réajuster ses prévisions est mieux.
  • Ne pas essayer d’attaquer les problèmes dans leur globalité et dans le détail pour les raisons suivantes :

    • C’est très fatiguant mentalement d’essayer d’analyser et avoir une vision de tout ce que vous voulez accomplir dans le détail, en plus ça prend énormément de temps.
    • C’est contre-productif, car nos plans dans le meilleur des cas ne sont respectés qu’à hauteur de 25 %, la vie est tellement aléatoire que nous échouons à coup sûr dans nos projections.
    • Une vision globale est toujours bonne, mais il faut mettre en tête qu’il faut forger au plus vite pour vérifier la véracité de nos attentes.
    • Accepter d’ajuster ces dernières au vue des nouvelles données que nous apprenons en mettant la main dans la pâte.
  • Accepter les risques et les zones d’incertitude et apprendre à les élucider au fur et à mesure que vous avancez, pas besoin de paniquer, vous ne pourrez jamais les éliminer quoi que vous fassiez.

Se tromper n’est pas si fatal

Une chose que j’apprécie dans mon métier est que l’erreur y est considérée comme la chose la plus certaine et normale. Nous causons tout le temps des régressions, des bugs difficiles à détecter et reproduire, des impacts métiers qui coûtent assez d’argents…etc. Si tu travailles dans une DSI qui se respecte, ton chef de projet ni te virera, ni te sanctionnera mais te demandera de corriger le problème car c’est ce qu’il y a de plus important lorsqu’un incident arrive. Nous ne dramatisons jamais l’erreur, ni cherchons le coupable, et nous sommes toujours dans une logique pragmatique où l’important est de faire retourner les choses à la normale. J’ai dû passer beaucoup de temps pour apprendre ces réflexes en milieu professionnel, et ça m’a aidé à atténuer mon stress et mon anxiété quand je commettais des fautes dans mes projets ainsi que ma vie personnelle.

Demander de l’aide quand on en a besoin

La science informatique est très vaste et diverse et il est impossible de savoir tout ce qui y gravite. Les projets informatiques s’inscrivent aussi dans cette diversité, et ça nous challenge car nous devons monter en compétence à chaque fois sur plusieurs nouvelles technologies et rapidement pour pourvoir réaliser nos tâches. Ce qui est bien sûr problématique car apprendre au fil de l’eau mène fréquemment à des blocages (puisque nous n’étudions jamais les fondements théoriques). Les équipes informatiques se dotent alors de référents techniques sur des technologies spécifiques dont leur mission principale est de venir en aide aux développeurs en détresse. De même en vie personnelle, si vous arrivez à un stade où vous ne supportez plus son poids, vous ne pouvez plus avoir de sommeil réparateur pendant la nuit, vous avez du mal à vous contrôler dans les situations délicates, vous êtes carrément épuisé face à vos challenges, que ces situations s’inscrivent dans le temps => demandez de l’aide :

  • Commencez par discuter de ça avec la personne la plus proche de vous et qui vous écoutera sans vous jugez (c’est important, sinon votre interlocuteur ne fera que vous créer un sentiment de culpabilité). Il est à noter que ce dernier n’est pas censé vous chercher des solutions, mais juste de mener avec vous une conversation constructive pour vous aider à mieux comprendre vos peurs, vos angoisses, vos sentiments et l’état de votre âme. Ceci est souvent bénéfique car ce dernier sans le réaliser vous aidera à vous distancier pour une fois de votre situation courante et avoir une vision 360° de ce que vous êtes, ce qui compte le plus pour vous et ce que vous voulez devenir en tant que personne.

alt Discutez

  • Prenez un RDV avec un psychiatre comme vous le faîtes avec n’importe quel médecin quand vous êtes malades physiquement, il vous aidera à diagnostiquer vos symptômes et pourra si vos souffrances sont accablantes vous prescrire des médicaments pour atténuer vos peurs, angoisses et changements d’humeur. Ne vous inquiétez pas par rapport aux médicaments, ils ne sont pas destinés à être consommés pour toujours. A mesure que vous montreriez une bonne réponse au traitement, le médecin vous prescrira graduellement moins de doses jusqu’à l’arrêt du traitement. A noter qu’il ne faudra jamais changer de prise, de dose ou arrêter le traitement sans avis du psychiatre (c’est courant que les gens fassent ce bug et finissent avec une chute de leur état de santé et des prescriptions plus fortes en doses).

  • Le psychiatre pourra éventuellement vous demander de consulter aussi un psychologue. Alors sans vouloir vous perdre ces deux “référents” traitent différemment les troubles psychiques :

    • Le psychologue suit une formation universitaire dans le domaine de l’étude des grandes lois régissant le comportement humain, il peut vous proposer des entretiens à visée thérapeutique (psychothérapie de soutien, psychothérapie cognitive), des tests divers (de personnalité, d’intelligence, etc..) mais il ne pourra pas vous prescrire des médicaments car il n’est pas habilité à délivrer une ordonnance (du coup, malheureusement le traitement n’est pas toujours remboursable par les caisses de sécurité sociale).

    • Le psychiatre a passé avec succès le concours de médecine puis, durant son cursus, s’est orienté dans l’étude des troubles psychiatriques. Comme le psychologue, il propose des entretiens thérapeutiques, mais lui peut prescrire des médicaments (antidépresseur, anxiolytique…).

  • J’insiste avant de clore cette section que vous devez chercher le traitement chez les psys, pas de coachs d’énergie naturelle, ni développement personnel, PNL…etc. SVP ce qu’apprennent les psychologues durant une carrière de 5 années + stage clinique ou un psychiatre en 10 années + internat ne peut pas s’apprendre en un cycle de certification de quelques mois au max (Le but n’étant pas de dénigrer ces méthodes mais plutôt d’insister sur le primauté du traitement chez les psys).

Lisez de la documentation

La science informatique est la plus accessible et c’est génial. Vous trouverez pour presque chaque problème que vous y rencontrez 100 personnes qui ont déjà eu le même et des milliers de solutions, le tout publié sur des sites Q&A, en plus des sites de documentation officielle dont le contenu est maintenu par des milliers de professionnels et bénévoles autour du monde. Vos problèmes personnelles sont aussi de même et il y a un tonne de contenu qui y dédié sur internet:

Ayez le temps de se renseigner et d’avoir les retours d’expérience des gens qui sont ou qui étaient dans votre position. Même s’il n’y a pas une solution magique qui marche dans tous les coups pour chaque problème, s’équiper de savoir-faire permet de mieux appréhender nos défis.

Désign pour la tolérance aux pannes

Une des propriétés souhaitées pour les systèmes d’information est leur capacités à tolérer les pannes et incidents techniques. On le sait tous, on ne pourra jamais empêcher les coupûres réseaux, les défaillances hardwares, les bugs, les coupûres électriques, les tentatives d’intrusion quelques soient vos processus de qualité et sécurité. Il est important pour les éditeurs de continuer à servir leur clientèle abstraction faîte de la fatalité de l’incident moyennant bien sûr des petites dégradations de services (c’est le compromis). Plusieurs pratiques sont implémentées:

  • Réplication et délocalisation des services.
  • Plan de Reprise d’Activité (appelé communément PRA, en anglais DRP = Disaster Recovery Plan).
  • Politique de rejeu et circuit-breaker.
  • Déploiement Canary et déploiement Blue-Green.
  • Découplage des services (le plus possible).

Sans vouloir entrer dans le détail technique de tout ça, voilà ce qui vous intéresse :

  • Nous avons tous des dépendances par rapport à nos parents, notre petite et grande famille, nos amis, notre job, notre bonne santé, notre conjoint, nos enfants, nos petit-enfants, nos bonnes finances,…etc. Mais il faut mettre en tête que ces dépendances sont faibles et ne durent jamais dans le temps (“The only constant in life is change”-Heraclitus). Ne jamais s’y accrocher à mort. Nous devons être capable d’accepter la réalité et de reprendre notre train de vie au cas où quelques une se dissipent. Non parce que nous sommes forts, mais pour honorer les bons souvenirs et héritage personnelle que ces dépendances nous ont légué et honorer aussi ceux qui nous aiment et qui sont toujours à nos côtés actuellement.
  • Les politiques de rejeu et de circuit-breaker collent vraiment à notre vie. Commençons par le plus simple qui est le rejeu. Si vous trébuchez pendant quelques temps sur votre recherche de job idéal, ne baissez pas vos bras: vous échouez la 1ère fois, et ben vous essayez encore pour une 2, 3, 4 et 5 ème fois jusqu’à obtention d’une réponse satisfaisante. Si les rejets sont pénibles à supporter, essayez des rejeux exponentielles où à mesure vous échouez vous vous donnez plus de temps pour récupérer mentalement and go get it again. Les circuit-breaker sont aussi parlants car ils conditionnent à changer de stratégie une fois que vous échouez sur un nombre de fois bien déterminé.

Conclusion

Finalement, ce que j’ai exposé n’est ni prouvé scientifique, ni censé être véridique, ni valable pour tout le monde. A chacun sa propre vision du monde, son unique passé et ses propres expériences, ces principes (qui en découlent bien sûr du mien) peuvent par la suite vous être utiles ou non. En tout cas, c’est ma façon de gérer les symptômes dépressifs et anxieux et de profiter de mon existence et j’espère vous inciter à trouver la votre en lisant l’article. En vous espérant une vie pleine d’épanouissement, prenez bien soin de vous: mangez bien, entretenez une bonne hygiène, exercez une activité physique régulièrement, reposez vous suffisamment la nuit, passez du temps avec ceux qui comptent le plus pour vous et brillez dans le ciel comme des étoiles.

Crédits

  • Différences entre les psys: article.
  • Bande dessinée Lunarbaboon
  • La publication de Chip Huyen a été copiée du profile d’une connaissance sur facebook Zakaria El Bazi, checkez son blog

Badre BSAILA, Ingénieur d'étude et développement .NET sénior